Une politique de rémunération équitable
La contribution financière ne règle que 20 % des attentes de l'individu, alors autant s'assurer qu'elle soit de qualité.
Ce que règle l'argent…
En référence à nos sociétés de consommation, la course effrénée vers la conformité sociale invite la grande majorité d'entre nous à engager passablement d'attention aux biens matériels, économiques et cosmétiques (entendez par là le sens large de l'apparence).
Aucun doute que « ne pas avoir de soucis d'argent » représente la préoccupation majeure, de plus en plus de citoyens. Preuve en est la créativité des institutions financières qui proposent ici et là des plans de crédits forts « séduisants » (bien que l'actualité nous en démontre les limites encore aujourd'hui). Ces institutions ont donc très bien compris le marché très large disponible, de l'adolescent au sénior.
Nous prenons donc acte que, pour l'instant, le modèle de société proposé repose en priorité sur les moyens financiers et les avantages qui en découlent. Notre postulat n'exclut évidemment pas la tranche des individus, minoritaires, qui ont su s'offrir les moyens de s'isoler de ces mécanismes.
Que peuvent donc faire les entreprises pour jouer ce rôle ? Payer des salaires et des primes. Nous excluons de notre propos les « parachutes financiers » et autres accords particuliers qui ne sont pas représentatifs de la majorité des salariés.
Là où la question devient intéressante, c'est qu'un chiffre (dont la référence nous échappe) évalue l'impact de l'argent versé à un salarié en regard de ses attentes et de ses besoins. Ce chiffre prétend que toute augmentation salariale ne couvre finalement que 20 % de la problématique ou de l'attente de l'individu.
Autres attentes humaines
Nous trouverons dans la littérature psychologique nombre de facteurs d'importance pour l'humain. Résumons-les empiriquement par des notions prioritaires comme la sécurité, l'appartenance et la réalisation de soi.
La sécurité représente la certitude de se mettre à l'abri des besoins fondamentaux. Il est probablement triste de constater que dans les pays qualifiés de « riches », un nombre croissant de citoyens ne se retrouvent pas dans cette configuration. Pour ceux-ci, une simple augmentation de salaire va effectivement permettre de couvrir un besoin très important et vital. Osons l'hypothèse qu'il s'agit d'une minorité de salariés.
L'appartenance, par contre, est bien moins facile à satisfaire par de l'argent. L'appartenance signifie se sentir intégré dans un groupe de référence. Des dimensions complexes comme l'estime de soi, le regard des autres, la pertinence de nos comportements complexes permettent de s'intégrer et d’être reconnu comme membre à part entière du groupe.
L'apport direct par l'argent devient cette fois encore plus incertain. Même si, sur l'instant, l'individu peut croire à une reconnaissance du groupe, il va rapidement constater que cet apport d'argent ne change pas ni le regard des autres, ni les comportements à son égard.
Il reste l'aspect de réalisation de soi. Ce besoin de se réaliser ajoute à la réflexion les questions de contribution au groupe d'une part, d'autre part de son propre sentiment de se développer. On imagine aisément que le changement, ou le développement personnel, n'est pas une simple démarche intellectuelle. Elle va monopoliser des ressources personnelles importantes, des passages parfois inconfortables, des états émotionnels gourmands en énergie. Là encore, l'apport d'argent est bien éloigné de ces exigences.
Alors que dans les entreprises, la rémunération « au résultat » prédomine, comment ajuster cette politique pour se rapprocher des questions abordées jusqu'ici ? Par une politique plus large de rémunération. Répartir un capital de prime en plusieurs axes qui vont permettre de recouper au mieux les éléments humains est une des pistes que nous proposons.
L'axe « prime aux résultats », force et limites
Il est évidemment indispensable de mesurer les résultats tangibles produits par un individu, dans le cadre de sa fonction dans l'entreprise.
Proposer une prime au résultat présente l'avantage de reconnaître la conséquence de ses actions. Reconnaître la conséquence positive des actions est pertinente à quelques conditions : la plus importante, que les résultats produits soient bien le fruit direct des actions de l'individu, et non pas basés sur des facteurs exogènes par trop éloignés de son cercle d'influence. Bien que l’influence ne soit jamais de 100 %, nous vous proposons le principe « d'influence très marquée ».
Imaginez pénaliser un collaborateur qui s'est engagé sur des mois et qui, parce que « victime » de facteurs externes, n'atteindrait pas ses résultats… Pour une autre possibilité, imaginez que ce même collaborateur apprenne que son collègue. Lui, a touché sa prime au résultat, alors qu'il est de notoriété publique que ce second collaborateur n'a rien mis en œuvre de particuliers pour y parvenir… Qui parle de motivation ?
La limite de la prime aux résultats réside dans le fait qu'elle invite les collaborateurs à piloter leurs activités sur ce principal indicateur, puisque traduit financièrement parlant. Nous soulignons que piloter ses activités par un indicateur de résultat permet de « suivre » l'évolution de ses affaires, mais pas d'anticiper réellement. Dommage, sachant que notre cerveau est particulièrement bien équipé pour ça.
L'axe « prime aux efforts »
Ce deuxième axe ouvre le champ des indicateurs d'anticipation. En effet, si le collaborateur est invité à piloter ses activités avec, en sus, un indicateur d'effort spécifique à son projet, il élargit déjà son cockpit self-management. L'intérêt de repérer quel effort spécifique est pertinent par rapport à un objectif est simple : il permet de se concentrer sur une des causes qui produit le résultat (symptôme). Autre avantage, une faiblesse momentanée sur l'effort ne se répercute pas immédiatement sur le résultat, une inertie est visible entre le moment où je relâche mon effort et le moment où mes résultats s'en ressentent. Nous appellerons ceci le « droit à l'erreur » momentané… alors que, sur le résultat, la contrainte est irréversible.
Qui n'a jamais renoncé ponctuellement à une discipline, un effort ou un comportement pertinent ? Ces « faiblesses » passagères sont bel et bien humaines. La seule condition est qu'une fois observée, cette « faiblesse » passagère ne soit pas maintenue sur la durée.
Un collaborateur peut donc produire des efforts pertinents. Par contre, il peut ne pas produire le résultat (jamais à 100 % sous sa seule responsabilité). Il pourrait donc être reconnu sur l'axe « effort » et pénalisé sur l'axe « résultat ». Gagnant quand même ! L'employeur aussi : le collaborateur sait que ses efforts sont récompensés.
L'axe « prime à la gestion des risques »
Un indicateur supplémentaire qui qualifie le risque spécifique à l'objectif de résultat, en dehors des efforts identifiés, va favoriser le succès de l'individu. En effet, il ne suffit pas de produire des efforts, faut-il aussi voir venir les risques inhérents au sujet que l'on traite !
Nouvelle dimension de mon cockpit self-management : je sais ce que je dois produire, je sais par quel effort clé et, en plus, je sais quoi observer pour agir si le phénomène se présente. Un risque est quelque chose d'observable qui peut se manifester (sans impacter l'objectif de résultat immédiatement) mais qui doit être traité avant de prendre une ampleur trop importante.
Un collaborateur peut donc ainsi gérer efficacement ses risques. Par contre, pas forcément produire le résultat (jamais à 100 % sous sa seule responsabilité) et peut-être est-il victime d'une baisse de régime temporaire sur ses efforts. Il pourrait donc être reconnu sur l'axe « gestion risque » et pénalisé sur les axes « résultat - efforts ». Gagnant quand même ! L'employeur aussi : le collaborateur sait que la vigilance est récompensée.
L'axe « prime à la sécurité quotidienne »
Les activités quotidiennes, routinières, sans ambition particulière, si ce n'est que d'être bien faites, conditionnent l'aspect « sécurité » d'une fonction. Un collaborateur par trop enthousiaste sur des aspects uniquement « challenges » (Objectifs de résultats ambitieux) peut finir par représenter un risque si le quotidien n'est pas assumé.
Des indicateurs de performances de travail récurrents sont les derniers que nous proposions. Peut-être que bon nombre de collaborateurs ne sont pas des « tueurs nés de challenges », mais sont simplement excellents dans les tâches quotidiennes et produisent par là un travail de qualité qui stabilise l'organisation.
Nous suggérons d'intégrer le dernier volet de rémunération variable à « la sécurité ».
Rémunération variable 4 × 25 %
Les ingrédients sont en place pour effectuer une répartition d'une masse financière de « paiement à la performance » en 4 parties (identiques dans notre exemple). Ainsi, tous les acteurs, leurs prédispositions naturelles, leurs spécificités fonctionnelles et opérationnelles seront reconnues peu ou prou selon les situations.
Les facettes stratégiques d'un individu sont ainsi reconnues, d'où une réduction massive des frustrations et des non-dits. Ils sont traduits en coûts cachés considérables pour l'organisation.